Ces conventions particulières permettent à chaque centre de décliner une offre de soins originale et d’organiser une prise en charge selon des axes et modalités définis en fonction des options thérapeutiques et de la population accueillie. Cinq institutions bénéficient en outre d’un agrément à la Santé Publique, ce qui leur donne le statut d’hôpital pédopsychiatrique.
La revalidation vise la réduction des incapacités et la réintégration familiale (ou dans une structure de vie), scolaire et sociale. Ces incapacités sont liées à une problématique psychiatrique qui conditionne un certain type de rapport à la réalité et entraîne des troubles fonctionnels tels que le retrait social, le manque d’autonomie, la restriction des intérêts, les conduites sociales inadéquates, les troubles de l’apprentissage, etc… Des facteurs secondaires accompagnent très souvent ces situations : conflits intra-familiaux, désinscription scolaire, marginalisation et exclusion.
Au-delà du diagnostic, il est donc question d’apprécier pour chaque situation le contexte et les manifestations de souffrance psychique.
S’agissant, dans la plupart des cas, de situations d’impasse (sociale, familiale, scolaire ou institutionnelle), le traitement ne peut se limiter à l’application d’un projet préétabli qui n’envisagerait pas ce qui, précisément, est au fondement de la rupture. Le traitement se traduit par l’établissement d’un programme de soins comprenant des offres de travail (rééducation en individuel ou en atelier). Il s’agit d’accorder un soin particulier à rencontrer le sujet dans sa difficulté et d’opérer une approche globale en-deçà des symptômes en partant de ce qui émerge ou de ce qui le préoccupe. Un traitement individualisé signifie donc dans ce contexte une approche au cas par cas.
Peu à peu, lorsque l’enfant (re)trouvera un rapport à l’autre suffisamment apaisé et que ses constructions face à l’envahissement du réel auront pu s’étoffer, il pourra s’approprier les divers contenus proposés (codes, apprentissages, autonomie,) et commencer à les exporter dans d’autres environnements préalablement sensibilisés.
Il est important de noter que l’éducation, dès lors que nous nous adressons à des enfants, bénéficie d’une préoccupation extrêmement prégnante dans notre secteur. Un soin particulier est donc apporté au traitement des conditions d’accessibilité aux savoirs et à « l’éducabilité » de chaque enfant. L’objectif premier est de rechercher la participation active de l’enfant.
Il est bien entendu, par ailleurs, que chaque Centre présente une spécificité propre, qui tient autant à l’âge et à la pathologie des patients qu’à l’optique de travail qui en découle, lequel travail se situe chaque fois au point de croisement du collectif et du particulier.
Caractéristiques du champ de la pédopsychiatrie.
Nos institutions appartiennent au champ de la psychiatrie et donc de la médecine, même si la complexité de la psychiatrie lui fait occuper, au sein de la médecine, une place particulière.
Cela signifie donc que nous nous adressons au psychisme de nos patients, en tant que ce psychisme est le siège de la vie intime, du langage et de la pensée, en tant qu’il détermine le rapport aux savoirs et au social, sans pour autant en exclure la constitution biologique.
L’objet de notre travail, dès lors, porte sur l’être humain (anthrôpos) en tant qu’être complexe, dont tout n’est pas mesurable, mais dont les divers champs d’observation qui le concernent se complètent les uns les autres sans s’exclure (à la façon dont une découverte ne gomme pas automatiquement ou nécessairement les précédentes, mais au contraire les enrichit, ce qui permet d’élaborer sur le terrain une pratique plus adéquate).
En conséquence de quoi nous ne pouvons réduire la psychiatrie clinique à des grilles de lecture biologique du vivant ou aux seules grilles diagnostiques. Celles-ci constituent des supports qui peuvent tantôt s’avérer précieux tantôt étriqués.
D’autre part, et plus spécifiquement encore qu’à la psychiatrie, nos institutions appartiennent au champ de la pédopsychiatrie, c’est-à-dire qu’elles s’occupent d’êtres humains en développement et en devenir.
Durant leur croissance, nos patients sont donc le lieu d’interactions constantes entre leur développement organique et leur développement psychique, ainsi qu’avec toutes les stimulations qui relèvent de leur milieu de vie.
Le système nerveux ne se construit ainsi que progressivement, avec plasticité, mettant aussi en place, si c’est nécessaire (et notamment en cas de pathologie), des compensations cérébrales ou fonctionnelles, mais pour autant que les stimulations et l’environnement y contribuent.
Ce remodelage possible au fil du temps nous oblige donc à garder une attitude de prudence et à maintenir un espace de travail qui soit activement ouvert (étant bien entendu qu’une faille de base,- qu’elle soit organique, génétique ou psychoaffective,- fait valoir ses répercussions sur l’ensemble du système).
Le cadre de la rééducation fonctionnelle dans lequel nous nous inscrivons doit ainsi tenir compte de la nécessité d’ouvrir un champ où peuvent se déployer les potentialités de chaque patient.
Quant à l’aide psychologique, elle n’a de sens, dans un tel cadre, que si elle intègre les différentes fonctions de chaque individu, sans en isoler ni en exclure aucune.
Il n’existe pas de dogmatisme théorique dans notre secteur. Les référentiels à l’origine de la création des centres appartenaient au courant de la psychothérapie institutionnelle, de la psychanalyse appliquée et de la systémique. Au fil du temps, l’approche cognitivo- comportementale a rejoint les pratiques de certains centres (en particulier avec la méthode TEACCH pour les questions d’apprentissages scolaires).
L’orientation commune cependant consiste en l’idée qu’aucune technique ne peut s’appliquer de manière systématique et que, tout au plus, elle peut constituer une offre que l’enfant est susceptible de décliner. Comme nous l’avons mentionné précédemment, c’est la logique du cas par cas qui prédomine.
Chaque institution veille à la formation continue de son personnel et peut organiser un conseil scientifique propre ou disposer du comité scientifique du secteur Enfants de la fédération.
Ce dernier est composé des membres suivants :
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Professeur Dominique CHARLIER, Pédopsychiatre, Chef de service du service psychiatrie Infanto-Juvénile aux Cliniques Universitaires Saint-Luc UCL, Louvain-la-Neuve
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Professeur Jan CROONENBERGHS, Kinderpsychiater, Faculteit Geneeskunde-CAPRI, UA, Antwerpen
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Professeur Salvatore D’AMORE, Psychologue systémicien et psychothérapeute, ULG, Liège
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Professeur Pierre DELION, Pédopsychiatre, Chef de service de Pédopsychiatrie au CHRU de Lille-Université de Lille, (France)
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Professeur Philippe FOUCHET, Facultés des Sciences Psychologiques et de Droit à l’ULB, Bruxelles et Faculté des Sciences Psychologiques à l’UMM, Mons
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Professeur Annik LAMPO, Kind- en Jeugdpsychiater, Diensthoofd Kinder- en Jeugdpsychiatrie UZ, VUB, Brussel
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Professeur Jean-Michel LONGNEAUX, Docteur en Philosophie à la Faculté de Droit des FUNDP, Namur
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Professeur Louis VALLÉE, Neuropsychiatre, Chef de projet du réseau neuropédiatrie pour la région Nord-Pas de Calais « réseau TND » et coordonnateur du centre régional d’expertise des troubles d’apprentissage, Université de Lille (France)
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Professeur Stijn VANHEULE, Psychologue et Psychanalyste, Faculteit Psychologie & Pedagogische Wetenschappen/Vakgroep Psychoanalyse en Raadplegingspsychologie, Universiteit Gent, Gent
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Et le Professeur Jean-Paul MATOT, Médecin directeur du Service de Santé Mentale de l’ULB, Bruxelles : qui a pris sa retraite en octobre 2011
Le travail en réseau s’avère essentiel dans notre pratique. Avant-même la prise en charge, un soin particulier sera apporté à l’étude du réseau existant et, au besoin, à son extension. Il s’agit pour nos centres d’inscrire la rééducation pédopsychiatrique en tant que maillon relié à d’autres partenaires afin d’occuper une fonction spécifique et non totale et exclusive dans le réseau. Ainsi, le travail avec les familles mais aussi avec les services de l’AWIPH, de la COCOF et de la Communauté Française occupe une place prépondérante.
Données générales concernant les bénéficiaires. (Précisions relatives à l’abandonnisme et aux troubles précoces de l’attachement)
Au-delà des diagnostics psychiatriques, les enfants et les adolescents que nous accueillons ont tous des problèmes relationnels graves ; ils présentent donc une souffrance importante, à la fois intrapsychique et interrelationnelle, qui entrave le développement de fonctions essentielles, au nombre desquelles doivent être notamment comptées les facultés d’apprentissage, d’autonomie et de socialisation.
De tels problèmes touchent donc essentiellement à la subjectivité de nos patients : pour leur permettre alors d’évoluer, nous devons pouvoir leur proposer un lieu solidement structuré, où exprimer les vécus douloureux et chaotiques de cette subjectivité en souffrance, afin que ces vécus puissent y trouver une retraduction adéquate, et devenir ainsi supportables pour ceux qui en sont les sujets.
D’autre part, nous savons que certains de ces enfants sont parfois reconnus comme handicapés par la société; quelle que soit par ailleurs l’origine de ce handicap, sa prise en compte est souvent ce qui permet à l’enfant ainsi qu’à sa famille de bénéficier dans nos institutions de soins spécialisés.
Il nous faut préciser toutefois que cette reconnaissance, par la société, d’une forme ou l’autre de handicap, ne peut avoir en aucun cas, comme corollaire, un impact restrictif sur les soins d’ordre psychique que réclament de toute nécessité ces enfants et ces adolescents ; elle ne peut d’ailleurs pas davantage hypothéquer une évolution qui leur permettra peut-être de sortir de cette catégorie.
Pour des raisons d’ordre éthique et déontologique, nous ne pouvons donc pas, au nom de telle ou telle pathologie supposée organique pour des enfants ou des adolescents qui seront dits « handicapés », cesser d’entendre la souffrance qui est la leur, exclure les soins psychiques que leur situation réclame, ou négliger leur (ré)inscription dans une histoire qui leur soit personnelle : d’autant que c’est en travaillant à de pareils niveaux que nous espérons pouvoir favoriser et améliorer leur possible insertion sociale.
Soulignons encore que nous sommes attentifs, dans notre travail, aux problèmes somatiques que présentent les enfants ou les adolescents dont nous avons la charge : mise au point neurologique (y compris génétique et métabolique), O.R.L., ophtalmologique, etc.., et suivi régulier, si nécessaire, par un spécialiste extérieur à l’institution, qui restera le référent de l’enfant même après sa sortie de l’un ou l’autre de nos Centres ; en cas de nécessité, nous recourons à des traitements médicamenteux adaptés.
Enfin, les troubles qui relèvent du domaine purement social ne s’inscrivent pas dans le cadre de la rééducation fonctionnelle.
Cependant, concernant une part au moins de la problématique de l’abandonnisme et des troubles précoces de l’attachement, notre expérience nous fait valoir que les enfants qui se trouvent accueillis, à ce titre, dans certains de nos Centres, plutôt qu’une question qui serait strictement sociale, posent fondamentalement la question du lien (grave déstructuration du psychisme, arrêt du développement cognitif sans déficience mentale, troubles émotionnels), autour duquel il s’agit de structurer l’essentiel du traitement : ces enfants ont littéralement besoin de vérifier le lien dont ils se sont échappés, aussi bien en l’attaquant avec virulence qu’en montrant une peur toute panique de le perdre.
Seul un travail intensif sur la continuité du lien malgré tout, dans un environnement thérapeutique stable, tolérant mais solide, permet une effective diminution de l’angoisse relationnelle ainsi qu’une reprise des processus de développement et de construction de la pensée précédemment interrompue (il s’ensuit parfois des modifications de QI de plus de 30 points entre l’entrée et la sortie) ; après quoi seulement, donc, ces enfants pourront être replacés dans des structures éducatives adéquates.
Motifs d’orientation dans nos centres
Qu’ils soient présents comme internes ou comme externes dans nos Centres, c’est pour la raison qu’ils ne peuvent plus s’inscrire dans une vie familiale ou scolaire normale ni dans d’autres structures que nous sont adressés les enfants et les adolescents dont nous avons la charge : les centres de traitement ambulatoire, SRJ, écoles, maisons d’accueil SAJ ou CPJ se montrent effectivement démunis face à la complexité du problème, à la gravité des troubles (troubles du comportement, retrait, intensité de l’angoisse, etc.) ainsi qu’à la souffrance massivement exprimée dans ces situations extrêmes.
D’autre part, nous pouvons généralement constater que les envoyeurs nourrissent de lourdes craintes quant à l’avenir possible de ces patients s’ils ne sont pas aidés de façon spécifique, c’est-à-dire par une équipe habituée à un travail lourd, dans un cadre prévu pour ce type de troubles, et à long terme.
Comme cela a pu déjà être remarqué, nous ne fonctionnons donc pas en première ligne ; en quoi d’ailleurs nous nous différencions nettement des centres dits « d’urgence ». Par contre, nous traitons les crises qui sont à l’origine de la demande, de même que celles qui surviennent pendant le séjour, et qui sont considérées comme autant d’occasions de remobiliser le patient.
C’est donc à ce titre que l’entrée d’un enfant ou d’un adolescent est chaque fois longuement réfléchie avec les envoyeurs et la famille, à partir des motifs qui les poussent à faire appel à nous.
Il nous semble important, par ailleurs, de façon générale mais tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la petite enfance, que les envoyeurs n’attendent pas que la situation soit devenue limite pour faire appel à nos services.
Au sujet du diagnostic
Nous souhaitons maintenir une certaine prudence dans la démarche de notre travail et rappeler que certains arrimages diagnostiques peuvent figer, délimiter, mortifier des êtres humains et briser leurs potentialités en devenir.
Le diagnostic doit donc être entendu comme un processus dynamique, capable de se modifier en cours même de traitement. Ainsi devons-nous user de nos capacités diagnostiques de façon à éviter que le patient y trouve une réponse clôturant à la question spécifiquement humaine de savoir « qui » et « ce » qu’il est.
Depuis un certain temps et pour certains de nos Centres, l’INAMI a demandé d’utiliser des grilles diagnostiques déterminées (DSM-III-R, DSM-IV ou ICD-10), de manière à pouvoir fixer les catégories de patients que nous sommes autorisés à soigner dans nos Centres.
Étant entendu que ces grilles, créées au États-Unis, ont eu dès le départ pour but d’être des instruments de recherche et de communication entre psychiatres (visant notamment à déterminer ce qui est le plus manifeste d’une pathologie, mais non pas nécessairement le plus important), il convient alors de prendre la mesure de ce que la démarche de la clinique n’est pas la même que la démarche de la recherche.
La recherche , en effet, vise à homogénéiser une série de données afin d’en obtenir des statistiques valables ; de ce fait, il y a exclusion de certains paramètres ou « faux positifs » et entraînement à la cotation : seuls les symptômes intéressent.
La clinique par contre, et selon la démarche de recherche qui lui est propre, donne priorité à l’individu et à sa singularité, c’est-à-dire à ce qui n’a pas été nécessairement considéré comme intéressant ou utilisable pour des démarches statistiques.
La démarche de la clinique s’intéresse donc à la psychopathologie, certes, mais en tant que le nerf de tout travail clinique est moins le symptôme ou le comportement comme tels que les réelles possibilités de mobilisation de la personne.
Toujours concernant les classifications symptomatiques d’origine anglo-saxonne, et outre leur méthodologie d’ordre essentiellement statistique, il faut aussi noter leur relative instabilité, comme en témoigne le passage assez rapide du DSM-III au DSM-III-R puis au DSM-IV et bientôt le DSM-V ; ou encore de l’ICD-9 à l’ICD-10.
De plus, ces classifications tendent toujours davantage, au fil du temps, à uniformiser des pathologies qui étaient auparavant distinctes, de telle sorte que les nuances relationnelles finissent par être ignorées et le psychisme comme tel purement et simplement évacué.
Ainsi, par exemple, toutes les formes de psychoses infantiles se trouvèrent d’abord reprises et amalgamées sous la catégorie de « troubles envahissants du développement », avant d’être tout simplement ignorées, tout comme les problèmes relationnels névrotiques, et incluses finalement dans le « spectre autistique ».
Cette dérive nous paraît dangereuse parce qu’elle risque de réduire le psychisme de l’individu à n’être plus considéré que comme une série de manifestations comportementales, hypothéquant ainsi lourdement l’avenir d’enfants qui, dans un autre contexte, avec des soins appropriés, auraient donc quelque chance d’évoluer différemment.
D’un point de vue clinique, il faut alors noter que la « classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent », publiée par Mises en 1988, ouvre d’autres horizons : posant d’emblée le problème selon toute la complexité propre au psychisme, cette classification, bi-axiale, identifie des modes d’organisation psychopathologiques dans une perspective telle qu’ils peuvent évoluer et se transformer les uns dans les autres.
Notons enfin que le diagnostic ne détermine pas à lui seul un critère de prise en charge par nos centres et que les demandes d’admission doivent être corroborées par un pédopsychiatre tiers, un service de santé mentale ou un centre de références ou de ressources indépendant de l’institution.
Missions et buts de nos centres
Il est utile de bien différencier le fait de guérir et celui de soigner, dans la mesure où nous pouvons et devons soigner, sans être toujours à même de guérir : en fait, nous pouvons donner au sujet quelques moyens de se guérir ou d’atteindre un mieux-être, et parfois de sortir d’une fonctionnalité qui était déformée.
Notre but est donc d’aider l’enfant ou l’adolescent à (re)devenir un être humain en relation avec lui-même comme avec autrui, ce qui passe toujours par une (ré)inscription dans le cadre d’un lien social, même si cet enfant ou cet adolescent reste effectivement psychotique ou autiste ; il s’agit donc bien de favoriser une maturation plutôt que de guérir.
Par ailleurs, cette (ré)inscription passe par l’acquisition de savoirs et de compétences nouvelles ou, pour le moins, par la (re)mise en marche des processus d’apprentissage.
Une autre de nos missions concerne alors les familles des patients, avec lesquelles nous n’engageons pas de thérapies familiales au sens propre du terme mais que nous accompagnons dans le cadre de rencontres régulières ou d’entretiens familiaux intégrés à l’optique de travail institutionnel.
L’enjeu est de soutenir ces familles dans les difficultés qu’elles rencontrent et élaborer pas à pas un « vivre ensemble » praticable pour tous ses membres.
L’institution comme moyen thérapeutique
Dans chacun de nos Centres, l’accent est mis sur le lieu de vie sécurisant, structurant et stable, dans la mesure où c’est seulement à partir d’un tel cadre que l’enfant ou l’adolescent peut être à même de se (re)construire précisément un ensemble de références qui lui soit personnel, ainsi qu’une base développementale.
Cette pratique s’inspire du courant nommé « thérapie institutionnelle », en tant que chaque institution ne constitue pas un simple regroupement de soignants et de soignés, mais bien plutôt consiste, par une démarche instituée, en un système vivant où des événements deviennent possibles, où de l’imprévu peut surgir, de telle sorte que de la créativité ayant valeur thérapeutique puisse s’instaurer au quotidien.
Ce travail s’appuie donc sur la qualité des membres de l’équipe, dont le trait principal est certainement la capacité à s’investir et à être conscients du dynamisme potentiel de l’enfant ou de l’adolescent, ainsi que de leur propre dynamisme. Ce mode d’investissement requiert ainsi une élaboration rigoureuse de ce qu’ils vivent dans leur travail, en particulier au niveau émotionnel, principalement comme autoévaluation, sans interprétation, au cours de réunions régulières, qui font partie intégrante du cadre logique de ce travail.
Ce principe de l’institution comme « moyen thérapeutique » étant acquis, quelques précisions peuvent encore être apportées quant aux modalités pratiques du travail engagé dans un pareil contexte :
Il convient tout d’abord que l’organisation de la vie quotidienne où se retrouvent patients et personnel soignant se fasse à l’intérieur de groupes à taille humaine
La conception même de la prise en charge qui peut s’y faire, présente alors ces institutions comme des lieux de transition, dont la structuration est particulièrement soutenue
Le but de pareils lieux, dès lors, vise avant tout à créer des conditions favorables à ce que le sujet puisse (re)trouver une place responsable et relativement autonome dans le champ social, plutôt qu’à éradiquer par principe des symptômes qui seraient gênants
Le premier temps du travail consiste donc dans l’accueil relationnel où l’enfant et l’adolescent ont la possibilité de s’insérer, et selon lequel il leur est permis par principe d’occuper une place de sujet, même s’ils ne semblent pas le manifester d’emblée ; tandis que, parallèlement, l’accueil diagnostique implique la prise en compte des troubles du patient, vu leur expression dans la réalité de la vie quotidienne, selon quoi l’équipe sera amenée à réagir
Les soins institutionnels en passent ainsi par le concret : il s’agit essentiellement d’activités au sein d’une réalité partagée, qui s’articule au milieu naturel de l’enfant ou de l’adolescent
Pareille utilisation du quotidien s’inscrit toutefois dans un cadre particulier, différent de simples conditions de vie habituelle, dans la mesure où il s’agit d’un lieu thérapeutique spécifié par son organisation matérielle ainsi que par la qualité du personnel qui le constitue
Ce personnel, d’autre part, s’organise dans son travail de manière à soutenir des pratiques dont la spécificité nécessite d’être à plusieurs, s’étayant ainsi sur des modèles ou repères théoriques issus des courants de pensée psychanalytique et systémique, qui prennent explicitement en compte la trilogie : corps - dimension subjective - environnement
Il s’ensuit donc que l’articulation entre le collectif et le singulier est tout à fait décisive, au point qu’aucun de ces deux pôles ne doit être effacé par l’autre : entre le sujet singulier et les réunions de groupe, entre les lieux thérapeutiques spécifiques et les lieux plus généraux de liaison, entre le dedans et le dehors de l’institution - de quoi permettre l’élaboration, au fil du temps, d’une véritable séparation
A noter encore qu’il est de la responsabilité d’un tel type de travail de maintenir un cadre structurant malgré les attaques dont il est l’objet, précisément en relation avec la gravité des troubles qui s’y trouvent soignés
Insistons, pour finir, sur le fait que de telles pratiques nécessitent toujours, dans l’après-coup, une évaluation du travail réalisé, de ses effets, de la pertinence des outils utilisés, comme cela se fait régulièrement en réunions d’enfants ou d’adolescents, en réunions de synthèse, en réunions d’équipe ou en intervisions ; l’interpellation des patients et de leurs familles ou des professionnels entre eux doit donc essentiellement viser à maintenir une communication de qualité ; les rapports d’évolution permettent également, de façon régulière, une mise au point de la situation singulière de chaque patient ; quant à l’extérieur, il contribue lui aussi à cette évaluation de notre travail institutionnel par le biais de participation à des supervisions, conférences, congrès, séminaires, ou encore par la présentation publique, oralement ou par écrit, du travail réalisé par nos institutions en tant que moyens thérapeutiques.